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La formation et l'emploi dans le champ du travail social en Suisse

AvenirSocial publie sa deuxième édition portant sur la formation et l'emploi dans le champ du travail social en Suisse (2025). Dans sa publication, l'association professionnelle met en lumière la richesse ainsi que la complexité du champ. Le travail social, incluant le domaine de l'accueil de l'enfance, bénéficie d'une reconnaissance. Il est toutefois confronté à des défis importants comme l'absence de réglementation nationale des professions du social ou la pénurie de personnel qualifié.

En identifiant les problématiques, AvenirSocial nous invite à encourager la réflexion et à l'action collective.

Au total 170 professions du travail social sont recensées. Cette diversité est-elle un enrichissement ?

Voici quelques réflexions d'AvenirSocial répondant à la question :

  • "Si certains postes de travail peuvent se situer à la lisière de divers champs, et parfois à l'intersection du travail social, de la pédagogie, de la santé ou encore de l’économie, il n'empêche que la « flexibilité » est à géométrie variable : jamais un·e professionnel·le du travail social ne pourra être engagé·e comme économiste, psychologue ou comme professionnel·le de la santé. Par ailleurs, le principe d’interprofessionnalité, si souvent prôné comme une richesse dans le champ du
    travail social, nécessiterait selon nous une analyse critique. Il n’est en effet pas certain que les compétences apportées par divers métiers soient bien identifiées et investies de manière ciblée dans un travail d’équipe ou, plus délicat encore, qu’elles soient ajustées aux besoins individuels de chaque destinataire du travail social. C'est bien la problématique que nous pointons ici : les métiers du travail social sont incertains, et leur exercice n’est pas protégé." (p. 21)
  • "Si les diplômes en travail social sont protégés, toute personne peut se désigner comme travailleuse sociale notamment selon l'un des 170 intitulés répertoriés. Comme le souligne AvenirSocial : L’absence de protection de l’exercice des professions distingue le travail social de professions similaires comme l'enseignement, la psychologie, les professions médicales et celles de la santé. Ces professions se sont battues pour imposer une réglementation nationale par des lois. Ces lois précisent les exigences et le niveau de la formation de base et continue, ainsi que les devoirs des professionnel·le·s. Elles instituent un registre des personnes autorisées à exercer lorsqu’elles remplissent les conditions. L’autorisation peut être retirée. Certaines lois imposent en plus des critères de qualité de l’organisme au sein duquel les professions s’exercent. Le but de ces réglementations est sans doute la défense corporatiste des intérêts des membres des professions, mais également un intérêt public, à savoir la protection des patient·e·s." (pp.41-42)
  • "L’absence de protection des métiers du travail social s’exprime et se perpétue par une pratique particulière courante : dans les annonces pour l’engagement de personnel en travail social, il est régulièrement précisé qu’une formation « équivalente » ou « similaire » est acceptée. Cette pratique signifie la non-reconnaissance des formations dans le champ du travail social. Or, qui accepterait d’être accueilli·e par un·e soignant·e, un·e enseignant·e, un·e médecin ou un·e psychologue disposant non pas d’un diplôme professionnel correspondant, mais d’une formation « équivalente »." (p. 43)

Forte augmentation du secteur marchand

Les données montrent une forte augmentation du secteur marchand entre 2011 et 2022 au détriment des associations et des fondations, par exemple concernant les domaines de l'accueil des enfants, de l'asile ou de l'aide sociale. En 2011, la proportion des sociétés privées concernait 14% des prestataires, contre 39% en 2021. (p.26)

Autres problématiques mise en exergue

75% des professionel·les disposent d'une formation de niveau tertiaire (ES et HES) et 23% d'un titre de niveau secondaire II (apprentissage). Le niveau de formation est par contre plus bas dans l'éducation de l'enfance avec 52% des professonnel·les titulaires d'une formation tertiaire. Ces données révèlent le niveau du diplôme, et non le domaine dans lequel il a été acquis. La part des personnes dont la formation la plus élevée correspond à la profession exercée totalise quant-à-elles 55% du personnel. Elle est de 66% pour le domaine de l'accueil de l'enfance (p.19). 

L'évolution du nombre de professionnel·les est nettement plus forte que l’évolution de la population résidente en Suisse. Différents aspects peuvent expliquer cette augmentation, comme le vieillissement de la population ou un retard de professionnalisation à combler (p. 28).

L’augmentation s'observe également dans le nombre de diplômes délivrés. Les métiers continuent ainsi d'attirer un grand nombre de personnes, quand bien même des établissent se plaignent d'une pénurie de main d'oeuvre qualifiée (p.28).

AvenirSocial souligne par ailleurs que les professionel·les du social ne pèsent pas bien lourd dans l'économie globale en Suisse : iels représentent 1,6% de la population active en 2022 (OFS, 2024i).

Les femmes continuent à être surreprésentées (72% en 2022), avec un taux de 95% dans le domaine de l'accueil de l'enfance.12% des professionnel·les du champ du social ne possèdent pas de passeport suisse (2022), soit une proportion de moitié inférieure aux personnes de nationalité étrangère (24%) de la population résidente permanente. Ces chiffres interrogent, notamment du fait que la diversité peut contribuer à enrichir les approches au sein des équipes (p. 29-30).

Indépendamment du secteur d'activité, les femmes (58%, en 2023) continuent à occuper davantage d'emplois à temps partiel que les hommes (19%). Le temps partiel est par contre plus répandu dans le domaine social, 69% chez les femmes et 47% chez les hommes (p. 30).

En Suisse comme ailleurs la mobilité professionnelle est un phénomène courant. Pour le champ du travail social, AvenirSocial se réfère à trois enquêtes s'intéressant aux motifs conduisant à un changement d'emploi : charge de travail importante, accompagnée de stress chronique et d'un fort engagement émotionnel ; gestion insuffisante des ressources humaines ; progression personnel parfois limitée, conciliation entre temps professionnel et temps privé (pp. 33 et suivantes).

La pénurie de personnel qualifié s'inscrit dans un double mouvement : d'un côté les institutions peinent à recruter du personnel formé dont les compétences correspondent aux attentes et, de l'autre, elles sont confrontées à une fluctuation importante du personnel. Pour AvenirSocial, la pénurie de personnel qualifié n'a rien d'inédit puisque l'association professionnelle relevait déjà en 2017 que la moité des professionnel·les du travail social oeuvre sans titre correspondant. Ce sont en revanche la visibilité de la pénurie de personnel qualifié et le discours qui l'accompagne qui ont évolué. Cette pénurie de main d'oeuvre a certainement des conséquences négatives, en favorisant une augmentation de la charge de travail ou en réduisant les prestions fournies (pp 40 et suivantes). 

"La formation et l'emploi dans le champ du travail social en Suisse", AvenirSocial, 2025, 2ème édition